PAR LA PORTE DU SAMADHI
Après mûres réflexions, il semblerait qu’il n’existe aucune méthode claire qui puisse être considérée comme le Samādhi dans les sutras du Nikāya.
La pratique de “L'attention au souffle”, appelée Anapānasati samādhi, peut être provisoirement classée comme du Samādhi en raison du titre. Cependant il existe également le sutra “L'attention portée à la respiration”, Anapānasati Sutta. Dans la 1ere partie du sutra “Les Fondements de l'attention” (Satipaṭṭhāna sutta), , la Contemplation du corps, la 1ere sous-section est consacrée au souffle, qui est considérée comme une pratique de la Contemplation (Anupassanā) ou de la Sagesse (Vipassanā). Dans cette sous-section particulière sur la respiration, le Bouddha a rappelé aux moines:
“Ô bhikkhus, ici un bhikkhu part dans la forêt, cherche l'ombre d'un arbre, ou se réfugie dans une maison isolée, s'assied jambes croisées, son dos droit et pose son attention devant lui. Toujours attentif, il inspire; attentif il expire. “
Par ailleurs, toutes les autres méthodes de méditation ne nécessitent pas la posture correcte de « assis jambes croisées, le dos droit ». Nous pouvons les pratiquer dans la vie de tous les jours, en marchant, en étant debout, assis ou couché. Est-ce parce que la méthode de respiration nécessite la relaxation complète du corps et du mental pour obtenir un état de calme profond? Est-ce pour cela que nous pouvons temporairement classer la Respiration comme un moyen d'entrer dans le Samadhi?
Revenons aux sutras du Nikāya. Les quatre niveaux du jhana (état mental), à travers lesquels le Bouddha a réalisé la Triple Connaissance, sont également connus comme “les quatre niveaux du Samadhi”. C’est ainsi que nous comprenons que le Samadhi joue un rôle important dans le Zen bouddhiste. Il est le passage obligé pour l'exploration du vaste firmament de la Sagesse transcendante.
Ces quatre niveaux du Samadhi sont généralement présentés comme suit:
- Avec l’abandon des plaisirs sensoriels, l’anéantissement des états mentaux nuisibles, il entre et demeure dans le premier jhana, accompagné de pensées actives et passives, avec une exaltation et un bien-être engendrés par la séparation des désirs
- Avec l'apaisement des pensées actives et passives, il entre et demeure dans le deuxième jhana, résultant de la tranquillisation intérieure et de l'unification de l'esprit, sans pensées actives ni passives, avec une exaltation et un bien-être engendrés par le Samadhi
- Avec la disparition de l'exaltation, il demeure équanime, l'esprit clair et doué d'un discernement attentif, il entre et demeure dans le troisième jhana et ressent dans le corps le bien-être que les saints appellent: équanimité et présence d'esprit
- Abandonnant le bien-être et le mal-être, la plaisance et la déplaisance mentales, il entre et demeure dans le quatrième jhana, sans souffrance ni bien-être, purifié par la présence d'esprit équanime
Nous pouvons simplement voir ces 4 phases comme suit:
- La Vertu étant pure, le mental connaît donc une exaltation et un bien-être, bien que les pensées actives et passives soient toujours présentes.
- Dans le Samadhi, le mental est silencieux (aucun murmure, aucun dialogue mentaux). Il est accompagné davantage d'exaltation et de bien-être.
- La Connaissance devient claire et attentive. Le mental devient équanime et serein.
- Le mental est complètement serein, calme, objectif. Il maîtrise les sensations et devient imperturbable.
Ceci nous amène aux observations suivantes:
- Il s'agit tout simplement d'un flux continu du mental, d'un processus mental ou d'un processus sensoriel qui, au départ, est rudimentaire (bien-être) puis devient de plus en plus flexible (équanime) et enfin complètement serein (maîtrise des sensations).
- Le Bouddha n'a jamais clairement expliqué de quelle manière il pratiquait pour “éliminer les pensées actives et passives”, comment “se séparer de l'exaltation et demeurer dans l'équanimité”, ou “abandonner le bien-être et le mal-être, la plaisance et la déplaisance mentales”.
- Dans la première étape de la “séparation des désirs, séparation des dharmas malsains”, nous pouvons comprendre qu'il faut utiliser les « Préceptes » pour y parvenir.
Ce court article n'est que l'observation subjective d'un méditant qui a souvent hésité, n'osant pas aborder le sujet du Samadhi. Le “Samadhi” mérite d'être présenté plus en détail dans un livre complet mais il se peut qu’il ne soit pas exhaustif. Cependant, je dois quand même le présenter aujourd'hui, dans un esprit de « réconciliation » entre bons amis car j’ai déjà démarré la série avec les articles “Par la porte de la Vertu”, “Par la porte de la Contemplation”, “Par la porte de la Sagesse”. Alors cette série doit se terminer par « Par la porte du Samadhi » pour être complète.
Nous espérons recevoir les conseils des vénérables moines Zen au cas où cet article contiendrait des éléments qui sont non conformes au Dharma.
Depuis longtemps, j'ai toujours ces interrogations:
- Le bouddhisme est une voie menant à l'illumination. Cela veut dire qu’il nous dirige vers le développement de la sagesse transcendante, vers la compréhension de toutes les lois de l'univers et des humains, afin de vivre ensemble en paix et en harmonie. La sagesse transcendante du Bouddha se développait après les quatre niveaux de Samadhi et continuait à s'amplifier à partir de là. Alors pourquoi le Canon Nikāya ne présente-t-il toujours que brièvement ces 4 niveaux de Samadhi?
- Pourquoi le sutra n'indique-t-il pas explicitement comment le Bouddha pratiquait pour parvenir à des niveaux de concentration plus élevés?
- Parfois les sutras présentent la méthode de respiration de manière séparée. Et jamais ils ne relatent par exemple: j’ai pratiqué la Respiration pour entrer dans les 4 niveaux de Samadhi, etc. Pourquoi?
- À mon avis subjectif, ces 4 niveaux de Samadhi sont les points les plus marquants auxquels les pratiquants bouddhistes devraient prêter attention car c'est une condition nécessaire pour développer la sagesse transcendante. Alors pourquoi sont-ils toujours présentés de manière aussi succincte? Pas un mot de plus, ni un mot en moins. Est-ce dû à l'intention du Bouddha, ou celle des Patriarches lors de la compilation des sutras?
- Est-ce “la voie unique pour atteindre la sagesse et réaliser la Libération”, le chemin pour purifier le mental, maîtriser les émotions, éliminer la tristesse, la souffrance et l’anxiété? Les quatre niveaux de Samadhi, souvent appelés les quatre niveaux du Zen, correspondent également aux quatre niveaux du Mental. On les nomme arbitrairement les quatre niveaux, mais en réalité il s'agit d'un processus continu de transformation du mental.
- Les Sutras ne disent pas par quelle porte utiliser. Est-ce la raison pour laquelle les Patriarches ont développé et dit qu'il y a 84 000 portes pour y entrer? Cela signifie aussi qu'il n'y a pas de porte du tout car ce mental est notre Vrai mental. Il n'est ni né ni ne disparaît, il est déjà présent en nous. Nous n'avons qu'à revenir à notre Véritable Mental. Il n’y a aucune méthode, aucun chemin, aucun moyen, aucune séparation spatiale ou temporelle entre nous et ce Mental.
Maintenant, passons à la pratique, examinons quelques méthodes pour faire l'expérience d'un esprit calme, sans murmures ni dialogues mentaux, ou simplement pour avoir une Connaissance claire sans murmures, que nous appellerons temporairement la Connaissance non verbale.
Dans le passé, dès le cours de base, notre Maître nous enseignait de nombreuses méthodes simples suivantes:
- D'abord fermons les yeux, puis ouvrons les. Dès le premier regard, nous avons immédiatement une vue globale et silencieuse. Le Maître nous montre qu'il s'agit de la première lueur de connaissance, complètement silencieuse, claire, en un clin d'un œil. C'est la Connaissance non verbale du Véritable mental qui apparaît instantanément. Elle possède toutes les qualités du Véritable mental: pure, calme et objective. C'est la porte pour entrer dans le Samadhi. Cependant, quelque instants après, l’esprit commencera à réfléchir, à se souvenir des noms, à juger, etc.
- Balayage du regard: les yeux ouverts, regardons à gauche, puis à droite. Nous voyons globalement, en silence. En global, nous n’aurons pas le temps de nommer chaque chose. Cette méthode prolonge un peu plus la Connaissance non verbale.
- La vue lointaine: en ne prêtant attention à aucun objet précis, la vue sera également silencieuse et la Connaissance non verbale sera aussi prolongée.
- La vue intermédiaire: En regardant l'espace entre l'objet et nous, il n'y a que du vide, c'est à dire rien. C'est aussi la Connaissance non verbale.
- L'écoute du son de cloche: écouter en silence le son vibrer, c'est aussi faire durer la Connaissance non verbale avec le son de cloche. Plus nous pratiquons, plus nous réalisons que la Connaissance non verbale sera encore présente même sans son.
- La marche méditative: marcher lentement, pas à pas, avec la Connaissance non verbale et ressentir chaque pas touchant le sol.
Les premiers exercices présentés ci-dessus ont pour but de nous faire reconnaître la Connaissance non verbale. Avec beaucoup d’entraînements dans la vie quotidienne, cette Connaissance non verbale se prolongera de plus en plus et deviendra claire, solide. Et parfois, nous vivrons l'expérience de l'état du mental calme ou du Samatha.
D’autres exercices de niveau légèrement plus élevé sont:
- Ne pas identifier l’objet: c'est voir un objet mais ne pas le nommer même en silence dans notre mental. Pendant cet instant, nous savons clairement que notre esprit est complètement silencieux et vide. Cette pratique semble plus appropriée avec la vue qu'avec l'ouïe ou le toucher.
- **Ne pas étiqueter l'objet: voir un objet, une scène ou une personne et simplement les reconnaître en silence, sans autre jugement.
Si les premières pratiques, ci-dessus, sont appliquées régulièrement durant les activités quotidiennes alors le mental se calmera doucement. Ensuite, nous nous mettons dans la posture assise et pratiquons la méthode de Respiration. Si nous suivons progressivement les étapes ci-dessus, alors la pratique de la respiration sera plus simple et plus aisée. Elle peut se simplifier en 2 étapes comme suit:
- S'asseoir dans la posture du demi-lotus, le dos droit, dans un endroit calme et silencieux. Les sutras bouddhistes disaient: “Mettez la pleine conscience devant vous”. Nous démarrons la Connaissance pure, calme, non verbale puis nous commençons à observer notre souffle, l'inspiration et l'expiration naturelles. Comme si nous portons légèrement notre attention dans le souffle qui entre et qui sort. La respiration devient au fur et à mesure plus légère.
- Lâcher ensuite le souffle, ne plus faire attention à la respiration. Nous commençons à observer que la fréquence cardiaque est plus légère, plus lente, que la salive devient plus abondante, la tête semble être plus lourde et il faut maintenir la tête droite. Nous sentons le corps léger, tombant dans le vide, puis le mental s'illumine, devient immobile, complètement vide, puis plus rien et tout est dissous...
Considérons cela temporairement comme le Samadhi, un mental calme et solide, connaissant clairement un vide lumineux. Après de telles expériences, il est connu que cet état est très difficile à décrire aux autres. Seuls ceux qui en ont fait l'expérience comprendront.
Le Samadhi est également un processus mental. Il existe d'innombrables niveaux ou qualités, similaires à la Vertu ou à la Sagesse. L'avidité, la colère, la confusion, la souffrance ou le bonheur... ont également d'innombrables niveaux.
Une fois l'expérience du Samadhi établie, nous obtiendrons les résultats naturels suivants:
- La santé s'harmonise naturellement dans le temps.
- Le mental est heureux, léger, objectif et égalitaire. La compassion se dévoile.
- La sagesse devient plus lumineuse. Nous arrivons à appréhender les vérités de la vie, à comprendre les Écritures. Nous aurons la capacité de restituer aisément nos expériences aux autres.
Les résultats sur 3 aspects: le corps, le mental et la sagesse, se développeront également en continu, en fonction de la pratique durable du méditant.
Mais si nous pratiquons pendant un certain temps sans obtenir de résultats probants sur ces 3 aspects, alors nous devons reconsidérer si notre pratique est conforme à l'enseignement ou non? Parce que les Maîtres Zen ont souvent rappelé au pratiquant d'éviter de sombrer dans « l'eau morte » du Samadhi, tel le Samadhi de l'ignorance ou s’enfoncer dans le néant, l'impondérable ou l'illusion.
Nous pouvons aussi tomber dans l'erreur sans le savoir, par exemple:
- Les pensées ou les émotions surgissent à notre insu, de sorte que notre mental continue toujours à s'agiter, à s'exciter.
- Parfois, notre esprit découvre de nouvelles choses. Mais pensant que c'étaient des pensées discursives, nous les refoulons. Et nous continuons à pratiquer sans jamais obtenir de nouvelle sagesse.
- Si nous oublions le sujet de méditation, alors il est facile de penser, aussi bien au passé qu'à l'avenir ou nous dévions vers une autre chose.
- D’un autre côté, si nous nous accrochons trop au sujet, notre esprit ne se détendra pas et ne se videra pas. Alors comment le trésor de la sagesse arrivera-t-il à interpréter quoi que ce soit?
Que c'est difficile, comment faire? Chers amis, le chemin de la pratique n'est pas difficile, mais il est difficile parce que nous ne sommes pas assez patients. Il n'y a pas de raccourci, ni de chemin de traverse dans la pratique. Cela veut dire que nous ne pouvons pas faire juste un seul pas et entrer immédiatement dans le Samadhi, sans passer par la Vertu, sans passer par la Contemplation, sans passer par la Sagesse.
La Vertu, la Contemplation, la Sagesse et le Samadhi ne font qu’un. L’ensemble représente les qualités parfaites du Mental Vrai. Si nous préférons pratiquer le Samadhi, bien sûr que c’est concevable. Mais nous devons parallèlement observer une moralité stricte et respecter les 6 Harmonies (la Vertu); comprendre les vérités qui régissent le monde (la Contemplation); observer le monde de manière objective et sans égo (la Sagesse). Alors le résultat naturel qui en découle est une vie paisible et harmonieuse, sans attachement à qui que ce soit, sans agitation et sans regret; une santé également harmonieuse; un mental naturellement calme, pur et objectif. C'est le Samadhi, un esprit solide, inébranlable contre vents et marées de la vie. Ce Samadhi n'est pas introduit donc ne peut être exclu, car le mental en Samadhi n'est autre que notre propre mental, c'est un phénomène non conditionné. Quant au phénomène conditionné, il doit s'appuyer sur le sujet, se pratique en suivant un horaire fixe, doit suivre l'étape 1, l'étape 2, l'étape 3. Il est venu donc il partira. Parfois c’est réussi, parfois non réussi.
Ces quelques lignes pour partager un peu d'expériences rudimentaires, en espérant qu'elles ne vont pas à l’encontre de l'Enseignement.
Monastère Sunyata, 11- 9- 2023
TN
SOURCE: Triệt Như - BÀI 40 TỪ CỔNG ĐỊNH, tanhkhong.org
Traduit par Nhất Hòa, relu par Hồng Thúy
Auteur: Triệt Như
Publié le: 22-02-2024 - 20:07