RÉCIT DE VOYAGE ET D'ENSEIGNEMENT - STUTTGART
AOÛT 2023
Après avoir terminé la retraite en Suisse et quelques jours de repos, Mme Nhu Minh et moi sommes envolées pour l'Allemagne. Stuttgart est une petite ville du sud de l'Allemagne, on doit toujours prendre un vol en transit, avec correspondance donc, pour s’y rendre. Cette fois, le vol Genève-Stuttgart doit passer par Munich, avant de rejoindre Stuttgart. À l’arrivée à l'aéroport de Stuttgart, nous n’avons pas retrouvé nos 2 bagages à main enregistrés, car pensant qu’avec un vol intérieur, nous devrions nous y rendre rapidement. De façon inattendue, les deux bagages à main voyageaient plus lentement que nous et s’étaient égarés à on ne sait où. Sachant qu’il fallait simplement avertir en ligne la compagnie aérienne de la perte de nos bagages, j’étais repartie rassurée. Ensuite, chaque jour suivant, les deux méditants, Quang Khong et M. Tuong Bach, se rendaient à tour de rôle en voiture jusqu'à l'aéroport de Stuttgart, prévoyant de ramener immédiatement les bagages égarés. Soir après soir, ils en revenaient bredouilles, les mains vides. Du monastère Zen de Schenkenzell à l'aéroport, il y a environ 98 km, soit environ 1 heure et demie de route s'il n'y a pas d'embouteillage. Jusqu’au jour où nous présidions la célébration du 20e anniversaire de la fondation du Sangha de Stuttgart mais sans notre robe jaune de cérémonie. Et de même à la clôture après 3 jours de retraite , Mme Nhu Minh et moi étions rentrées en Californie, toutes légères car nous n'avions plus de bagages. Jusqu'à présent, soit 12 jours après, l'aéroport n'a toujours envoyé aucune information.
Lors du 20e anniversaire de la fondation du Sangha de Stuttgart (19 août 2023), l'événement le plus important doit être la projection de la vidéo montrant les activités des retraites méditatives du passé, des premières organisées par le Maître fondateur aux plus récentes des années suivantes. Il s’était fait scanner son cerveau à l’aide d’un appareil IRMf de l'Université de médecine de Tubingen, dans le sud de l'Allemagne, et dans le cadre du programme de recherche de deux docteurs, Michael Erb et Ranganatha Sitaram, sur le fonctionnement du cerveau lorsqu'on ne médite pas (en présence des pensées) et lorsqu'on médite (en absence de pensées). À partir de ces résultats, les deux scientifiques avaient pu localiser quatre zones de silence pendant la méditation à l'arrière de l'hémisphère gauche du cerveau : la vue, l'ouïe, le toucher et la cognition. Alors que lors de la réflexion, la zone préfrontale du cortex cérébral est active et apparaît en rouge vif sur l’écran. Sur la vidéo avaient été enregistrées les activités annuelles du Sangha : d'anciennes images apparaissant, d'anciens militants actifs revenant. Au cours de ces vingt dernières années, beaucoup de choses ont changé, mais le Sangha est toujours là, reste attaché à ses activités, ce qui est vraiment louable.
La retraite étant bilingue allemand-vietnamien, M. Tuong Bach, Mme Minh Tuyen et Minh Kien assuraient la traduction simultanée à tour de rôle. Il y avait environ 25 méditants, venant de nombreux endroits. De Paris, ils avaient voyagé en train. De Berlin, ils s’étaient regroupés pour venir en voiture. De Goslar, ils avaient fait environ 8 heures de route pour venir au monastère. Comme ce dernier est situé dans une zone de haute montagne, avec des collines, des forêts de pins, des arbres verts, des espaces calmes, loin de la ville, tous les méditants du Sangha vivent très loin du monastère. Par conséquent, tous les participants à la retraite devaient rester sur place. Mais comme il n'y avait pas assez de place, le groupe de Berlin avait dû séjourner dans un hôtel voisin.
Nous étions mi-août et il faisait très chaud ici pendant la journée et surtout à midi. Par conséquent, tôt le matin et tard dans l'après-midi, les méditants sortaient pour la marche méditative et pour pratiquer le QI-gong. Sinon, durant la période ensoleillée de la journée, ils pratiquaient dans la salle principale. La retraite ne durait que 3 jours, il n'y avait donc pas beaucoup de temps pour la pratique, et je me suis contentée de ne rappeler que l'essentiel.
Le dernier jour, j'ai pu expliquer davantage la technique Yathā-bhūta (la réalité telle qu’elle est), sa signification et sa pratique, étape par étape. Il existe sommairement 3 étapes de pratique comme suit :
- Étape 1 : voir, entendre, toucher, connaître les objets tels qu'ils sont réellement. Autrement dit, la connaissance est ici et maintenant, il s’agit de l’état à l’instant T de l’objet. L’esprit est pur, commence à être objectif, relativement peu attaché à la scène. Cette connaissance peut faire appel aux paroles, aux comparaisons et aux distinctions, étant donné que nous vivons en société. Mais en même temps, l'esprit est exempt d'avidité, de colère ou d'ignorance, et on peut considérer que c’est un début de clarté d’esprit. Une clarté d’esprit utilisant les paroles.
- Étape 2 : Le mental se passant des paroles, il s’agit d’une connaissance silencieuse des objets tels qu'ils sont réellement en les voyant, en les entendant et en les touchant. Lorsque l’esprit se stabilise, n’interprète plus les événements extérieurs perçus, il y a à la fois le samadhi et la sagesse. Le samadhi, c'est la connaissance silencieuse. La sagesse, c’est la connaissance objective. Ici, il y a encore l'esprit et la scène. La scène est ce qui est à l’instant T. « En gardant le non-mental devant toute chose ».
- Étape 3 : Ne prêter plus attention à la scène, et observer son mental. C’est similaire à ce que le Bouddha a enseigné à M. Bāhiya : « Dans ce qui est vu il n'y a que ce qui est vu, dans ce qui est entendu il n'y a que ce qui est entendu, dans ce qui est perçu et ressenti n'est que ce qui est perçu et ressenti, dans ce qui est connu il n'y a que ce qui est connu... » Il s’agit ici de demeurer dans son mental, un mental vide, calme et silencieux. Tout comme dans cette expression décrivant « l’entrée dans le courant de la libération en s’éloignant des sons terrestres » du bodhisattva Avalokiteśvara. Comment est notre mental à ce moment-là ? Le mental est juste « comme ça ». Et la scène ? Juste une scène « comme ça ». C'est ainsi sommairement décrit, car à ce moment-là, il n'y aura aucun concept, donc il n'y aura pas de scène extérieure ni de manifestation de l’esprit.
Ensuite, pendant le dernier cours, j'ai résumé la pratique de l’établissement de la connaissance juste en 3 étapes comme suit :
- Étape 1 : la clarté d’esprit venant de la sagesse, c'est-à-dire une connaissance pure, calme et silencieuse, objective. Cette connaissance vient du mental vrai, toutefois elle peut être parfois accompagnée des pensées, de la distinction dualiste et exprimée par des paroles. Cette connaissance est exempte d’avidité, de colère ou d’ignorance, car appartenant au mental vrai. Cette première étape consiste sommairement à ramener son mental à l’attention portée sur un seul objet. Les objets changent tout le temps, car c'est comme ça la vie. Mais il ne doit y avoir qu'un seul objet à la fois. L’objet ne sort pas des quatre domaines : le corps, les sensations, le mental et les états psychologiques (pensées, émotions, sentiments...) Cette première étape consiste à appliquer la Sagesse/Vipassanā. Il s’agit également de la Connaissance de la réalité telle qu’elle est (Yathā-bhūta).
- Étape 2 : Contemplation/ Anupassanā. Dans la vie de tous les jours, nous devons contempler et développer davantage une meilleure compréhension du monde extérieur : compréhension interne (corps, sensations, esprit, dharmas) et externe (corps, sensations, esprit, dharmas). On peut le considérer comme une extension spatiale de cette compréhension. Ensuite, il faut encore davantage développer : comprendre la nature changeante (l’apparition et ensuite la disparition) du corps, des sensations, du mental et des dharmas. Considérons cela comme une extension temporelle. Cette deuxième étape est importante : considérez-la comme un délitement de l'attachement, une destruction de « l'objet » existant à l’instant T et qui est connu par les sens à la première étape.
- Étape 3 : Demeurer dans cette connaissance juste. Ne pas s’attacher à quoi que ce soit, ne pas s’appuyer sur quoi que ce soit dans la vie.
En conclusion, le Sutra sur les fondements de la connaissance juste est « le seul chemin menant à la pureté et le calme d’esprit pour tous les êtres sensibles, à surmonter les afflictions, à éliminer la souffrance et les chagrins, à atteindre la juste sagesse et le nirvana ». Du début à la fin, il ne s’agit que de la Connaissance pure, calme et silencieuse, objective de notre propre mental vrai. Avec cette Connaissance, observons le petit univers à l’intérieur de notre corps et de notre esprit, puis avec cette même Connaissance, observons le vaste univers à l’extérieur, les deux sont identiques. Tous sont soumis à la loi de l'apparition et de la disparition successives. Ainsi, cesse tout agrippement, tout attachement, et c’est la libération.
Triet Nhu.
Toujours intéressant de lire et relire ces enseignements qu'elle a pris soin de mettre en mots simples et clairs.
J'espère que les valises ont été retrouvées mais j'aime bien aussi cette notion de légèreté et de simplicité en perdant son bagage !
tout un symbole de ne pas s'attacher ... Une leçon de plus qui par son côté pratique de la vie de tous les jours nous rappelle l'essentiel qui n'est pas le matériel !
Belle journée,
Elisabeth.
2. Merci beaucoup.
Je vous souhaite une très bonne journée à toutes et à tous.
Evelyne.
3. Merci!
Un bel enseignement résumé pour commencer la journée. C’est un cadeau…
Mireille.
4. Merci.
J' ai enregistré les enseignements de la Vénérable Triet Nhu.
Bien amicalement.
Josy.
5. Bonjour à vous et tous les méditants,
Un grand merci pour ce récit de voyage, j'ai beaucoup aimé vous lire.
Je vous souhaite une très belle journée.
Cordialement.
Laurence B.
6. Bonjour,
Merci beaucoup pour cette traduction qui nous aide à mieux comprendre et pratiquer avec justesse.
Bonne journée.
Amicalement.
Gia.
7. Merci infiniment !
Tram Anh.