LE COURANT ÉTERNEL DE L'ESPRIT
Nous ne parlons pas des significations éminentes ou complexes de l'esprit. Si quelqu'un souhaite étudier ce dernier, il peut le lire dans les écritures bouddhistes, en particulier dans l'Abhidharma-Pitaka (les Traités). Dans le cadre limité de cet article, nous devons simplement comprendre l'esprit d'une manière simple et générale. Ce dernier comprend toutes les pensées, les émotions, les imaginations, les décisions, les espoirs, les sentiments de joie et de tristesse, la nostalgie, les remords, les regrets, la colère, l'anxiété, les afflictions, ou encore le bonheur, le contentement, la sérénité, la compassion, etc. C'est précisément de cet esprit que naissent les paroles et les actions. Ensuite, différencier les deux karmas de la parole et de l'action qui, lorsqu'ils ne sont pas encore manifestés, sont appelés karma de la pensée ou l'esprit. C'est pourquoi l'esprit est parfois appelé "Pensée" (comme le mentionne le sutra Dhammapada : "Les pensées sont les maîtres, les pensées sont les créateurs"). Les pensées ne proviennent pas souvent de la base mentale, mais la plupart du temps de la conscience (Vijñāna), c.-à-d. la connaissance ultime qui vient après que nous ayons su que nous sommes heureux ou tristes... ; ou les formations mentales après que nous ayons considéré, jugé et raisonné.
Parmi les trois fonctions suivantes : distinguer entre deux options (la conscience discriminante), la réflexion à partir des données du passé (la base mentale) et spéculer sur l’avenir (l'intellect), le rôle de la première est le plus vital.
Pourquoi ? La conscience est comme une porte directement ouverte sur le monde extérieur. Grâce aux cinq organes des sens : les yeux, les oreilles, le nez, la langue et le corps (ou la peau), nous obtenons instantanément les cinq nuances de perception de la conscience. La pensée est l’élaboration d'impressions dans l'esprit. Elle est également appelée connaissance claire de l'esprit, conscience de la pensée ou conscience mentale. En d'autres termes, il s'agit d'une connaissance claire et complète lorsque les réceptions des cinq sens sont synthétisées.
La conscience joue un rôle important car c'est la décision finale à partir de laquelle se manifestent les paroles et les actes. Elle est donc considérée comme le maître du karma. De plus, les érudits la considèrent comme le roi de l'esprit suivi de son cortège de ministres qui sont les fonctions mentales : la joie et la détresse, l'amour et la haine, etc.
La conscience est importante parce qu'elle est toujours active. Les six sens sont toujours ouverts à la vie: la vue, l'ouïe, l’odorat, le goût, le toucher et la pensée. Même lorsque nous dormons, nous faisons généralement des rêves. Cela montre que les six sens continuent à fonctionner sur la base des signaux reçus et à réagir selon leur rôle naturel ou parfois selon leur instinct de survie. Par exemple, il nous arrive de rêver que nous assistons à un festin. C'est simplement parce que nous avions faim à ce moment-là. Ou encore, nous volons en rêve. En levant légèrement les pieds, nous nous élevons doucement dans les airs et sentons le vent frais. Lorsque nous nous sommes réveillés, nous avons constaté que nos pieds étaient frais. Ils étaient à l'extérieur de la couverture. Nous savons donc que notre cerveau travaille en permanence, que nous soyons éveillés ou endormis. Même lorsque nous voulons nous reposer, nous détendre, ne pas être anxieux ou inquiets, notre esprit ne réagit pas en conséquence. Le flux de la conscience mentale continue à couler jour après jour. En conséquence, notre esprit est agité et alterne différentes nuances, de l’inquiétude à la tristesse, puis à la joie... Par conséquent, notre santé n'est pas en bon état. Notre intellect est donc médiocre, perturbé, troublé, obscur et incapable de résoudre efficacement nos affaires quotidiennes.
Et notre vie continue sans s'arrêter dans ce flux éternel, même si notre corps physique se détériore et s'inactive. Notre esprit reprend alors son existence dans une autre vie, avec ses bonheurs et ses malheurs. Il retrouvera les personnes qu'il a aimées et détestées, ses goûts et ses dégoûts se renforcent ainsi au fil des vies successives…
Cependant, nous savons que le flux de conscience est aussi fragile qu'un fil. Une seule pensée apparaît donc à la fois. Elle reste un moment puis disparaît. Puis une autre surgit, s'attarde et disparaît. Elles vont et viennent continuellement de cette manière. Le flux de pensées n'est pas quelque chose de solide, de bien construit ou doté d'un noyau solide. La pensée n’est, de nature, que la connaissance, nous ne devrions pas l’assimiler à un objet. Une pensée triste n'est pas un bloc de tristesse. En fait, il s'agit simplement d'une "connaissance" qui change tout le temps. Ayant bien compris ces caractéristiques, nous savons certainement comment maîtriser notre esprit.
Tout d'abord, nous devons observer notre esprit fréquemment afin de l'ajuster à temps. Est-il d'humeur triste ou joyeuse ? Comment cela se passe-t-il ? Les raisons de ces sentiments sont-elles justes ou non ? Nous sommes heureux d'avoir aidé quelqu'un. Fantastique ! Continuez à faire de bonnes actions. Nous sommes heureux parce que le patron nous a complimentés sans féliciter les autres, nous devons reconnaître que cette joie est erronée. Il s’agit de l'envie, de la rivalité. Arrêtez cela. Commencez à faire preuve d'empathie et d'appréciation pour les autres. Tout le monde possède des compétences et des aptitudes que nous pouvons apprendre.
Observer en permanence notre esprit. Être objectif et honnête envers soi-même. C'est très difficile car notre Ego se défend et se justifie souvent. Lorsque nous ne sommes pas assez lucides, ni assez forts et stricts envers nous-mêmes, nous sommes souvent dupés et trompés.
L'observation fréquente de notre propre esprit produira un autre résultat très important. Il ne sera ni attaché aux phénomènes du monde, ni empêtré dans des futilités mondaines. Il devient progressivement calme. Notre pensée devient plus pure. Notre karma en actions et en paroles sera réduit.
Lorsque notre esprit passe à un stade supérieur, en devenant calme, nous l'observons en silence. La "connaissance non verbale" est immédiatement présente. C'est comme si une lumière s'allumait soudainement. Toutes les pensées, qu'elles soient fortes ou vagues, s'évanouissent. Notre esprit reconnaît alors tout, en lui-même et à l'intérieur de notre corps physique. Avec une "connaissance non verbale" stable, notre esprit devient progressivement calme et silencieux, vide. Tout disparaît : sensations, perceptions, formations mentales et la conscience n'existent plus.
Plus la lumière est vive, plus l'immense tranquillité et le vide sont visibles. Plus d'esprit. Plus de corps.
Qu'est-ce que c'est ? --- Aha ! Le chemin pour entrer dans le Samatha, et l’ultime étape dans le Samadhi.
Cela commence simplement par l'observation de l'esprit. C'est si simple et sans utiliser les cinq sens. Observer, mais sans se fatiguer les yeux. Les yeux servent à voir des formes qui ne sont que des objets extérieurs. Ici, nous devons utiliser notre discernement, notre clarté d'esprit. Si nous nous référons à la "pensée", sa capacité à observer et à adapter notre esprit n'est pas suffisante.
L'esprit et la pensée sont généralement de même nature. Si notre esprit n'est pas clair, notre pensée est obscure. Nous devons avoir une compréhension plus claire et plus objective, en apprenant les vérités éternelles du monde, ce que nous appelons sommairement la clarté d'esprit. Grâce à cette perspicacité, nous pouvons éclairer notre esprit et espérer qu'il puisse voir clairement, nettement et honnêtement l'évolution et les nuances de l'esprit.
En conclusion, nous avons présenté la première étape de la pratique au début de cet article. Il s'agit d'observer constamment notre esprit. On peut supposer qu'il y a d'autres étapes à franchir. Mais au-delà de nos attentes, avec cette pratique fondamentale, les pratiquants sont capables d'atteindre le but final. Il n’y a pas de besoin de suivre d'autres méthodes. Dès lors qu'on a pu passer au stade de l'observation de la vacuité de l’esprit, celui-ci devient vide. Il n'y a plus rien à dire. En d'autres termes, ce "courant éternel de l’esprit" qui coule depuis de nombreuses vies s'arrête ici, sans laisser de trace.
Lorsque notre esprit atteint une fin, notre ego cesse lui aussi et, avec lui, ce monde profane.
Écrit au Monastère Pricinpal de Sunyata, le 16 mai 2021.
Bhikkhuni Triệt Như.
Article source (en vietnamien) : https://tanhkhong.org/a1912/triet-nhu-snhp02-dong-tam-tuon-chay-mai
Traduit en français par Marc Giang, relu par Tuệ Tỉnh.